« Dans Votre Écran », votre rubrique qui revient en quelques mots, sur ces œuvres -majoritairement audiovisuelles- que nous découvrons depuis le Canada ou la France, sur notre écran de salon, d’ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.
07 avril 2023, 17h06. Une heure sombre qui fait référence à la publication de la chronique dédiée au film Opération Fortune : Ruse de Guerre, dernière réalisation en date de Guy Ritchie. Un cinéaste incontrôlable et imprévisible à qui l’on doit à la fois le meilleur comme le pire du cinéma moderne.
Opération Fortune : Ruse de Guerre est, en toute modestie, très proche d’être le pire film de son année de sortie non pas parce que nanardesque, mais parce qu’insipide. Il n’y a rien de pire de la part d’un cinéaste dont la pâte artistique est si caractéristique, que de pondre une œuvre fade ayant pu être réalisée par n’importe quelle compagnie corporative junior. Et encore, c’est médisant pour les compagnies corporatives. À peine plus de deux mois après la sortie de cette désillusion, le cinéaste anglais nous revient avec The Covenant. Film de guerre pour lequel il délaisse totalement l’humour « so british » qui faisait le charme de certaines de ses productions, mais sans pour autant renier l’essence de son cinéma. Rester proche de ses personnages.
Covenant, terme anglais que l’on peut traduire par Engagement. Un engagement entre deux personnes qui, même sans avoir à se dire qu’elles se doivent quelque chose, sont torturées par le fait de rendre la pareille à l’autre. Contrairement à bien des films de guerre, The Covenant ne relate pas l’histoire d’une guerre, d’un conflit ou d’un pays, mais bien celle de deux militaires qui vont se retrouver liés par un engagement indicible. Lors de sa dernière mission en Afghanistan, le sergent John Kinley fait équipe avec l’interprète Ahmed pour arpenter la région.
Les plus curieux et curieuses à propos du film, arpenteront les internets à la recherche d’une bande-annonce avant de tomber sur un trop plein d’informations. Notamment, un synopsis bien trop détaillé qui énumère chaque rebondissement sensé surprendre l’auditoire et relancer l’attention. Un auditoire, qui fait face à un film en trois actes alors que tout laissait suggérer que le premier acte viendrait s’étendre sur toute la durée du film. The Covenant est un film qui surprend grâce à un scénario qui prône l’immersion par la véracité de chaque ligne de dialogue et chacune des situations créées.
Dès la séquence d’ouverture, l’accent est mis sur la manière dont l’escouade dirigée par le sergent John Kinley se comporte en temps que groupe, sans que chaque membre n’ait à être caractérisé individuellement de manière grasse et vulgaire. Ils interagissent, se respectent et doivent rester attentifs en tout temps, car la menace est omniprésente.
La séquence d’ouverture est tendue, surprenante et représentative de ce que le film va développer sur la durée avec une réalisation qui n’accentue pas artificiellement la dramaturgie par des regards appuyés afin de faire comprendre la situation à venir au spectateur, avant que ne surgisse une explosion au ralenti. Le spectateur n’est pas prêt, va être surpris par l’embuscade, à l’image des personnages.
Un découpage extrêmement minimaliste avec des choix de cadrage significatifs qui supportent les intentions de mise en scène. Une contre-plongée va venir chercher la monstruosité chez un personnage qui paraît plus imposant que nature, alors qu’une plongée va au contraire venir oppresser le personnage cible.
Une réalisation qui joue allègrement avec les décors afin, une nouvelle fois, de montrer des personnages en position de force ou de faiblesse. À l’image de l’exploitation de plans drones, qui ne sont pas qu’un simple prétexte à la création de mouvements ou à la création d’un plan d’exposition d’un lieu, mais ils permettent de prendre de la hauteur pour ne faire des soldats que de simples petites fourmis vulnérables au milieu d’une immensité incontrôlable. Une réalisation qui se fait immersive pour le spectateur, en plus d’être incarnée, car portée par des choix artistiques cohérents qui densifient un scénario plus surprenant qu’imaginé.
Si manichéen dans la manière d’approcher le conflit opposant les Américains aux Talibans, le scénario se révèle plus riche grâce à des personnages secondaires et tertiaires dont les états de pensée ne sont pas unilatéraux. Une très belle diversité qui entretient l’effet de suspense en plus de crédibiliser chaque action. Personne n’est à l’abri, pas même le protagoniste de l’histoire.
Protagoniste dont l’héroïsme à l’américaine n’est pas plus prépondérant qu’il ne le doit, grâce à une emphase bien plus forte sur l’engagement indicible (torture psychologique) subsistant entre le sergent et son interprète, que sur le protagoniste américain. Torture psychologique qui se traduit de manière viscérale dans des séquences où le réalisme cède à une forme plus expressionniste, pour ne pas dire expérimentale.
Montage accéléré, choix de lentilles qui brisent la profondeur de champ, situations et images plus évocatrices, déformation de l’image ou encore partition musicale où les cordes prennent de la place et se font plus stridentes (inspirations évidentes à l’égard de Daniel Pemberton). Des séquences qui viennent accentuer le sentiment d’urgence, tout en permettant au film de ne pas se répéter dans la forme employée.
Aux antipodes du désuet Opération Fortune, The Covenant est un film de guerre incarné, où Guy Ritchie fait preuve de discernement dans ses choix de mise en scène afin de créer un sentiment de véracité. Haletant, brut et d’une belle richesse dans le fond, comme dans la forme, avec un scénario au cordeau, qui frappe de part l’authenticité de ses dialogues, ainsi que des situations… en plus de savoir surprendre sans chercher à rallonger artificiellement une histoire qui ne le mérite pas. Rien d’artificiel, une véracité immersive et impactante. Un excellent cru qui relève notre estime à l’égard de cet auteur que l’on aime beaucoup.
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